À travers la sculpture, je déplace et j’hybride les formes du quotidien, les dépouillant de leur fonction première pour devenir des choses aussi familières que lointaines. Ces formes sculpturales acquièrent une étrangeté permettant de réévaluer nos liens aux objets qu’elles évoquent et de mettre en lumière leur caractère agentif. Un fort désir de manipulation advient devant ces formes au potentiel performatif, comme autant de gestes à la fois banals et instinctifs, sensuels et frustrés.
En complément, un texte écrit par Marie Plagnol, responsable de la communication et de la médiation du CAC Brétigny :
Les œuvres de Louise Perrussel jouent de multiples attirances. D’abord, celle que l’artiste ressent pour des objets quotidiens et leurs formes indolentes, drôles ou étranges, qu’elle détourne juste assez pour les rendre improductives. Le début de l’histoire (2024) évoque ainsi, non sans humour, une immense boîte de mouchoirs vides ou un sac molletonné et confortable auquel confier des secrets. Louise éprouve également de la fascination pour des matières qu’elle prend plaisir à travailler: textiles chatoyants ou molletonnés, plâtre ou terre crue, métal ou béton, etc. Pour En prise (2021), elle fait ainsi le choix de laisser l’argile crue se transformer au fil de l’exposition, quitte à devoir en prendre soin en l’arrosant régulièrement.
Les activations possibles des manches démesurées, des trous, des poignées et des tuyaux mous qui peuplent le travail de Louise laissent libre cours aux imaginaires des visiteur·euses. Il est fort possible que les démangent même l’envie de toucher, d’expérimenter, de jouer avec ces formes étranges. Que les fascinations de l’artiste pour des morphologies et des matériaux se transmettent. Jusqu’ici, l’artiste s’intéressait à cette frustration, à cette envie de manipuler provoquée par le rapport visuel avec une œuvre présentée dans des contextes où toucher est interdit.
Plus récemment, Louise réalise pour une exposition en plein air l’installation Enfiler des perles (2024). Ici plus de frustration. Le contexte de présentation de l’œuvre permet à chacun·e de jouer avec les perles de béton ou de se suspendre aux barres métalliques. Les enfants s’en donnent à cœur joie. Comme le souligne l’artiste, elles et ils sont souvent plus à l’écoute des envies suscitées par l’installation, conçue en écho aux aires de jeux ou à des mobiliers de fitness urbain. Louise associe ces références formelles à des billes de ciment qui entourent les barres métalliques. L’activité ludique ou sportive rencontre ainsi l’activité créative: on se balance, on enfile des perles, ou on imagine d’autres usages pour cette sculpture-objet. Les possibilités ouvertes par l’invitation faite à tou·tes de s’approprier par leurs actions les formes modelées par les gestes de l’artiste sont multiples: leur exploration promet de joyeuses découvertes partagées.
Marie Plagnol